Deuil
Mon corps se souvient
d'avoir été océan:
il en garde la vague à l'âme,
il en conserve le sel
en pincées dans les larmes,
et le reflux des visions
qui naissent dans les fonds calmes
s'écoule entre les mâchoires
en tapis d'écume et d'algues;
mes yeux gardent à vue,
au bord des cernes creusées,
la contraction de l'absence
en un instant dévoilée :
la mort du père et le vide
qui serre la gorge inutile,
plus sable qu'écume, et plus
flux de regret que de bile...
Et voilà que ce soir sans raison
sous une lune ronde et jaunie
par les ans et la misère du monde,
remonte comme des abisses
une apnée de deuil incongrue
qu'aucun vrai décès n'accompagne...
Si! coeur, corps, gorge, regard,
faites les comptes et songez
que vous avez enterré
morts ou vivants cette année
quatre amours ou davantage!
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