Choeur
Nous étions dix
nous étions dix
jeunes et beaux
pleins d'appétit
des rêves fous
plein le cerveau
Un jour au bord de la mer
que nous cherchions aventure
vint à passer une mouette
lourde et lente et plumes dures
Elle pose sur le sable
frais encor d'écume et d'eau
un petit colis de toile
vieux sale presque en morceaux
ouvrons-le! criait chacun
L'un de nous court vers l'objet
et le prend et nous le tend
laisse-le! cria quelqu'un
ce cadeau empoisonné
est dangereux ! je le sens!
Nous étions dix
nous voici neuf
jeunes oiseaux
sortant de l'oeuf
des rêves fous
plein le cerveau !
On met l'objet sur une pierre
et chacun veut le toucher
ce cadeau venu des airs
témoin surgi du passé
On tire sur la ficelle
pour défaire un noeud coulant
et la toile s'ouvre telle
une fleur en son printemps
C'est un parchemin d'Egypte
C'est une lettre d'amour
C'est le testament d'un mort
C'est un papyrus magique
Le plus jeune hurle et court:
C'est une carte au trésor!
Nous étions neuf
huit à présent
le coeur tout neuf
les yeux brillants
des rêves fous
plein le cerveau
On l'étale; on peut y lire
sur une rose des vents
Vie Richesse Amour et Mort
quatre mots d'encre et de sang.
Une île en son centre trône
entourée de dauphins blancs
des chiffres bleus sur fond jaune
repères sur l'océan
En guise de signature
gît un quatrain manuscrit:
"Si ton désir compte moins
que ton bonheur, reste ici.
Mais pour trouver flamme pure
lâche tout et me rejoins!"
Nous étions huit
nous voilà sept
prêts à quitter
toit et couchette
des rêves plein
notre cerveau
Nos regards volaient de l'un
à l'autre de nos regards
et nos pupilles brillaient
comme étoiles dans le noir
Moi je rêve d'un tas d'or
Moi de pierres et diamants
Moi de parfums et de soie
venus des côtes d'Orient
Moi mon trésor serait blonde
Je veux la paix dans le monde
Et moi la fin des frontières
Le dernier pose ses mains
sur un coeur trop incertain
effrayé par sa prière
Nous étions sept
nous sommes six
prêts à trouver
le moindre indice
des rêves plein
notre cerveau
J'ai fait mon sac pour partir
dit adieu à mes parents
J'ai quitté mon doux chez moi
pris la rue de l'Océan
J'ai laissé, lâche et fragile,
un mot:"je m'en vais sur l'île"
J'ai fait face à leurs regards
lors de mon pot de départ!
J'ai fait le tour des amis
puis à chacun j'ai promis
un petit bout de valise
J'ai fait tout ce que j'ai pu
mais mon coeur n'a pas voulu
s'éloigner de mon Elise
Nous étions six
nous voilà cinq
voiles au vent
cordage en main
des rêves plein
notre cerveau
Le pont roule et tangue et gîte
les mains glissent aux filins
le mal de mer nous invite
à rebrousser le chemin
Oui mais le trésor au bout
encourage nos efforts
qui redouble coup sur coup
et combat les coups du sort
Oui mais la peur et l'angoisse
oui mais l'or et les diamants
oui mais la vague et le vent
oui mais le temps qui s'efface
et recule la victoire
oui mais à quoi sert la gloire?
Nous étions cinq
nous voici quatre
pioche à la main
l'oeil sur la carte
des rêves fous
plein le cerveau
L'île au loin qui se dessine
mouton blanc sur l'horizon
cache sous sa terre fine
le trésor que nous cherchons
Nous abordons sur la plage
et courons vers la forêt
et nous creusons pleins de rage
à l'ombre d'un vieux palmier
Mais après deux jours d'ouvrage
nous trouvons un coffre vide
et deux caisses éventrées
l'un de nous perd son courage
et s'en retourne livide
vers la plage et les galets
Nous étions quatre
nous voilà trois
la rage au coeur
la fièvre aux doigts
des rêves fous
plein le cerveau
La carte indique un rocher
au bout d'un chemin de terre
on y court tête baissée
pour mettre fin au mystère
tous trois nous poussons des cris
et chacun de nous sanglotte
nos espoirs se sont enfuis
en entrant dans cette grotte
Car au milieu sous la voûte
pas d'or pas d'argent pas goutte
rien qu'un morceau de papier:
"Le trésor est devant toi"
nous regardons les parois
mais rien que l'humidité...
Nous étions trois
nous sommes deux
seuls dans le froid
le coeur en feu
des rêves fous
plein le cerveau
A genoux et face à face
à tour de rôle on a lu
le mot que le temps efface
dans nos mains qui n'y croient plus
"Le trésor est devant toi"
c'est toi qui te tiens devant
moi qui te regarde, moi
qui suis devant toi riant !
J'ai donc traversé les flots
laissé parents et potos
affronté mille dangers
pour trouver dans ce caveau
le plus brillant des cadeaux
le regard de l'amitié...
Nous étions deux
me voici moi
seul et sans lieu
libre sans toi
des rêves fous
plein le cerveau
Du sommet de cette grotte
je vois la mer sans limites
Tu me cachais l'horizon
je m'enfermais dans le mythe
dans l'azur cent fois rêvé
d'un voyage partagé
d'une main dans ta main douce
d'un regard à deux sur tous
Mais ton évanouissement
ouvre la route qu'ignore
le cartographe averti
Le monde infini s'étend
appelant mille récits
d'autres mille île aux trésors
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